Au gré du temps
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En présence de la réalisatrice

Réalisatrice : Dominique Loreau
Producteur : Cobra films & Yenta Production
2006 - Belgique - 48 mn

Quand j'ai vu les installations végétales éphémères de Bob Verschueren, sa démarche créatrice a immédiatement trouvé écho en moi. Ses œuvres, émouvantes de fragilité, parfois pleines d'humour, faites de matériaux insignifiants, futiles, de déchets subtilement agencés, me sont apparues comme une mise en question de notre rapport habituel aux choses, tout en étant le reflet des préoccupations de notre époque. Face à elles, nous réalisons à quel point nous nous sommes éloignés d'une nature qui paraît soudain bien éphémère et lointaine, presque étrangère. Face à elles, nous prenons conscience de notre propre fragilité.
Car ces œuvres éphémères, en transformation permanente, nous renvoient à nous-mêmes, au cycle de notre propre vie. Elles sont à l'image d'un monde où la perception du temps a changé, où tout est devenu plus rapide, fugace, éphémère, mobile : les relations humaines, le travail, la famille, les voyages, les villes et les pays, les biens de consommation, la mode, les techniques. Comme elles, nous vivons sous la menace d'une catastrophe imminente. Contrairement à notre conception habituelle de l'art, ces trois œuvres ne contrent pas la mort, n'arrêtent pas le temps au profit de l'éternité, mais sont soumises à son rythme inéluctable.
Seul le cinéma peut capter le temps en mouvement, les métamorphoses en train de se faire. D'autre part, j'ai toujours été intéressée par les métamorphoses. Dans mon film " Divine Carcasse ", je filmais la transformation d'une voiture qui, passant de propriétaire en propriétaire, acquérait des sens différents avant de se transformer en sculpture de divinité vaudoue.
Ici, j'ai voulu réaliser un film à la fois profond et léger sur notre rapport à la nature, à l'art et au temps, c'est-à-dire au mouvement de la vie, à la mort, à l'éternité, à la mémoire.
Il met en scène le cycle de vie de trois installations de Bob Verschueren, depuis leur création jusqu'à leur désintégration et leur dispersion au sein de trois lieux différents, qui ont eux-mêmes leur cycle de vie propre, et avec lesquels elles sont en résonance et en contraste ; leur forme est donnée par la configuration des lieux investis, et les matériaux sont collectés dans ces mêmes lieux.
Tout au long du film, les trois oeuvres sont placées en relation constante avec le monde humain environnant. Ce monde est évoqué par petites touches, et avec un ton décalé, dans de petites scènes de la vie quotidienne: la construction d'un château de sable, une baignade insouciante, une récréation, la destruction violente par les pelleteuses de la nature et d'un site industriel qui semblait immuable… Elles sont également confrontées aux multiples regards des passants, chez qui elles provoquent diverses réactions.
Dans ce film sans commentaire, j'ai voulu non seulement faire partager au spectateur ces moments fragiles et émouvants d'une métamorphose, mais aussi aller au plus près de la matière même des œuvres et des lieux. J'ai essayé, grâce au travail de la caméra, à une partition sonore très travaillée et à un montage où s'entremêlent trois temps différents, susciter la sensation de l'évolution du temps, du rythme des saisons, du climat, mais aussi capter la lumière, l'espace, le vent, éléments qui participent également à la vie des œuvres et des hommes.
J'aimerais qu'après la vision du film, on ne regarde plus de la même façon une branche d'arbre à papillons, un roseau ou un trognon de pomme.

Quelques films…
"Les fleurs du malt " 2000
"Divine Carcasse"1998
"Les Noms n'habitent nulle part"
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