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Une question à l'affiche des Hivernales cette année
: Qu'est-ce que le travail ?
La naïveté d'une formule en écho aux slogans
à l'emporte-pièce qui saturent l'espace médiatique.
Devant l'insistance et l'omniprésence du discours des apologues
du travail, il nous est apparu incontournable de s'emparer de la
question. Entendons-nous bien, il s'agit davantage d'introduire
un peu de complexité dans le débat que de chercher
une quelconque réponse.
Nous sommes désolés de superposer, à ce qui
devrait être un temps-loisir, une préoccupation aussi
sérieuse, tyrannie de l'actualité oblige, mais cela
n'exclut pas l'humour pour autant.
C'est d'ailleurs dans ce registre que nous ouvrons cette cinquième
édition. Deux films où l'humour ouvre la "Grande
porte" pour sortir de la gravitude des situations (handicap,
chômage, misère
) : Une bonne leçon
d'abord, réalisé par des élèves de l'I.E.M.
de Richebourg, où l'autodérision, et le courage qui
l'accompagne, neutralisant tous les tabous, porte haut et fort le
message, dans toutes ces acceptions, de ces jeunes : NOUS EXISTONS.
Kahloucha, lui aussi, existe pleinement, et même plus que
ça. A tel point, qu'en dehors de ses activités normales
de peintre en bâtiment, il déverse son trop plein d'énergie
dans une entreprise titanesque où Tarzan des Arabes
rivalise sans complexe, tout en lui rendant hommage, avec le cinéma
d'Hollywood. Film frénétique, déjanté,
jubilatoire. Désopilant mais pas que. La misère et
ses avatars (fatalité, renoncement) cernent l'entreprise
mais sont éclipsés par l'énergie de la passion.
Une autre bonne leçon.
Nous accueillons, pour la deuxième année consécutive,
de jeunes cinéastes sénégalais.
Nous avons souhaité rebondir sur un des films présentés,
qui pose magnifiquement la question de l'héritage culturel,
en lui adjoignant une résonance locale. La rencontre sera
aussi celle de deux formes d'expression : Alioune Ndiaye pour la
vidéo, François-Henri Soulié pour la mise en
scène d'une lecture seront les artisans sublimes de cette
soirée.
La suite du parcours épouse les méandres d'une programmation
faite de nos coups de cur de l'année (Le jardin
de Jad, La vie ailleurs) et de belles rencontres. Oeuvres peu
connues de grands noms du cinéma (Bunuel, Godard) ou découverte
de jeunes réalisateurs (L'initiation), l'homme est
toujours le centre haletant du dispositif figuratif. Nous avons
choisi de privilégier cette approche aux questions touchant
à l'organisation du travail ou aux grands mouvements sociaux.
Un week-end de clôture en trois temps qui sollicitent les
sens, la tête et le cur :
Les Temps modernes en ciné-concert, nouvelle rencontre entre
cinéma et musique. Nous gardons le souvenir ébahi
du ciné-concert de 2007 avec Doolin. Jacob Fournel,
le flûtiste, assure le lien avec les Gadalzen, dont
il est également l'un des fondateurs, qui nous offrent une
création unique.
Le Cycle Découverte, invitation tout public à approfondir
le travail d'un auteur majeur du cinéma documentaire, est
consacré cette année à Johan van der Keuken,
filmeur infatigable, inspirateur d'un grand nombre de documentaristes.
Décédé en 2001, il nous lègue une uvre
colossale qu'il faut impérativement connaître.
La conclusion, nous la laissons au chef-d'uvre de Rithy Panh,
La terre des âmes errantes, une quinzaine de fois primé
à travers le monde. Une famille creuse la terre à
la houe pour l'installation de la ligne de fibre optique qui va
doter le sud-est asiatique d'une "autoroute de l'information".
Rithy Panh convoque ici toute l'histoire, tous les termes de la
question : prolétaire, argent, cynisme, volonté, abnégation,
souffrir, manger, espérer, espérer, espérer,
espérer
comme cette femme qui, rentrée sans
rien au pays, appelle son nouveau né Samnang, La Chance.
Béatrice Amiel
Jean Michel Filiquier
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